[CAGNASSI] Tredici anni in Eritrea.

↗ 1885 ↘ 1898

UGS : 0188599-30 Catégorie :

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Puglisi[1] nous apprend que l’avocat Eteocle Cagnassi fait partie des premiers fonctionnaires coloniaux au débarquement du colonel Saletta à Massaoua en 1885. Il est impliqué dans le procès contre le lieutenant des carabiniers Dario Livraghi. L’Express du 19 novembre 1891 rapporte :

L’affaire Livraghi

Il nous semble nécessaire, étant donnée l’importance des débats qui se déroulent devant la justice italienne de Massaouah depuis le 28 octobre, de rappeler l’origine de ce curieux procès : Lorsque le 25 février 1885, les troupes italiennes, commandées par le colonel Saletta, débarquèrent à Massaouah, elles y trouvèrent établi, dans une installation relativement luxueuse, l’arabe Moussa el-Akkad, dont le nom rappelle le sinistre épisode des massacres d’Alexandrie. Le gouvernement égyptien l’avait interné à Massaouah, où il n’avait pas tardé à acquérir une influence considérable sur les musulmans.

Cet homme se rallia aux Italiens, fut nommé membre du tribunal mixte et fut considéré par les nouveaux maîtres du pays comme un précieux auxiliaire. En même temps, deux Italiens, l’un avocat, Etéocle Cagnassi, l’autre, lieutenant de gendarmerie, Darius Livraghi, parvenaient à un tel degré de faveur auprès des généraux qui commandaient à Massaouah, qu’on peut dire qu’ils avaient une part prépondérante dans la direction de la colonie.

Cagnassi, arrivé à Massaouah sans fortune, finit par concentrer dans ses mains l’autorité réelle ; Massaouah devint pour lui une véritable Californie. Livraghi entra bientôt avec lui en qualité de chef de la police indigène. Tout marchait au mieux des intérêts de ces trois individus quand la division se met entre Akkad et Cagnassi qui résolut de se débarrasser de l’Arabe, le représenta au gouverneur comme un musulman fanatique hostile à l’Italie, réussit à le faire mettre en disgrâce ; mais Akkad se rendit en Italie, se fit présenter aux plus hauts personnages et retourna à Massaouah avec des recommandations puissantes.

Mais un jour, on saisit aux avant-postes de la colonie un Assaortin, porteur de lettres d’Akkad, renfermant les détails les plus circonstanciés sur la situation militaire de Massaouah. Les lettres étant adressées à l’ennemi, le cas, sous le régime militaire, ne pouvait être que des plus graves. Akkad, soumis à une cour martiale, fut prestement condamné à mort, et il allait recevoir, comme traître, quelques balles dans le dos, lorsque de Rome arriva, d’abord un ordre de sursis, puis la grâce complète.

Crispi avait en effet été mis en éveil, il avait demandé avis au comte Salimbeni en mission en Erythrée et celui-ci lui avait télégraphié : « Ce procès est une infamie.” Dès lors, les affaires prennent mauvaise tournure pour Cagnassi et Livraghi. On se préoccupe de leurs actes. On les accuse de complicité. On soupçonne qu’ils ont tramé la perte d’Akkad et fabriqué les lettres d’espionnage. L’ai de Massaouah ne leur est plus bon. Ils rentrent en Italie. Les rumeurs malveillantes les y suivent et prennent une telle autorité que la justice éprouve le besoin de mettre la main sur eux. Cagnassi est arrêté à Rome. Livraghi à Lugano.

On examine leurs papiers. Bientôt les imputations s’élargissent. Il ne s’agit plus seulement du fait d’Akkad. L’association Cagnassi-Livraghi se serait livrée à des assassinats multipliés. Cagnassi désignait les proies bonnes à être dépouillées. Livraghi et ses hommes exécutaient. On a relevé sept disparus, victimes de la cupidité de Cagnassi et de la férocité de Livraghi.

« Le carnage, dit un publiciste italien, était érigé en système de gouvernement. Beaucoup de bandes ont été décimées par ordre du général Baldissera. Livraghi n’a fait qu’appliquer à des individus, qui lui était signalés comme dangereux, ce que, pour raison de guerre, le commandement militaire opérait sur une grande échelle. En toute cette histoire, il semble qu’il y a eu comme une sorte d’émulation entre ceux qui s’étaient chargés de porter la civilisation sur la terre d’Egypte. »

La première partie du procès était favorable aux inculpés. Un certain nombre de témoignages tendait à la démonstration que les faits à charge avaient été multipliés indûment et que les exagérations de l’instruction étaient palpables.

La seconde partie des débats, qui se déroule présentement, est beaucoup moins avantageuse aux accusés.

L’Univers du 2 décembre 1891 nous apprend la suite du procès

Voici la note du Journal des Débats au sujet du nouveau procès Livraghi :

Le procès de Massaouah prend une tournure inattendue. A la suite des derniers témoignages produits devant le tribunal, les individualités de Livraghi et de Cagnasaï ont été reléguées au second plan, et de plus grands personnages ont passé au premier. Il ne s’agit plus de savoir si des officiers subalternes ont commis des crimes ou des délits plus ou moins graves; on se demande si l’administration des possessions italiennes sur la mer Rouge n’a pas été pendant plusieurs années entre les mains de gouverneurs sans scrupules qui, sous prétexte d’assurer l’ordre dans la colonie, ont fait exécuter sans jugement, en pleine paix, les personnes suspectes ou simplement gênantes. Le général Baldissera a déclaré qu’il avait fait « supprimer » quatorze indigènes suspects. Le capitaine de carabiniers Locascio a dit que Livraghi avait reçu l’ordre de « supprimer » un certain nombre de détenus, avant le jugement. Enfin le général Cossato, qui commandait par intérim pendant l’expédition du général Orero à Adoua, a avoué qu’il avait fait tuer un certain Naib Osman parce qu’il le considérait comme dangereux, et le général Orero a ajouté que Livraghi et les autres exécuteurs s’étaient partagé, avec son autorisation, en rémunération de leurs singuliers services, une somme de 15.000 thalers provenant de la fortune confisquée de deux des individus supprimés.

On a déjà vu que la déposition du général Baldissera a provoqué vendredi une interpellation à Montecitorio. Une partie seulement des faits était alors connue, et M. di Rudini a refusé de répondre. Aujourd’hui, la presse est unanime à demander la lumière, et, s’il y a lieu, la punition des généraux coupables. Le conseil des ministres a discuté la question ; il y a décidé, paraît-il, de mettre le général Baldissera à la retraite aussitôt après la fin du procès de Massaouah et de soumettre ensuite sa conduite aux tribunaux.

Puglisi ne dit pas quand Cagnassi retourne en Italie mais il précise qu’il est l’auteur anonyme de Tredici anni in Eritrea. I nostri errori. Note storiche e considerazioni publié en 1898.

Biblethiophile, 03.04.2022

[1] Puglisi, Chi e’? dell’ Eritrea 1952. Dizionario biografico con una cronologia, p. 63.